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KANBAN. Gestion de production à stock zéro, Kenichi Sekine, Paris : Editions Hommes et Techniques, 1983
Langue : Français
Un des premiers ouvrages sur le lean (ou "juste-à-temps", selon la terminologie partielle de l'époque) traduit en Français, cette description du kanban chez Toyota est intéressante à plusieurs niveaux. Le plus étonnant étant sans doute le temps qu'il nous faut pour apprendre car, vingt ans plus tôt, la plupart des éléments fondateurs du lean y figuraient déjà.
Cet ouvrage, publié au Japon en 1978 avait déjà identifié Toyota comme le benchmark mondial de la productivité : " on peut comparer la firme Toyota, qui est la plus productive du Japon, au mont Fuji. La base serait constituée par l'ensemble des usines de sous-traitance et le sommet serait l'entreprise Toyota elle-même. "
L'ouvrage permet de mettre en perspective la mécanique du "juste-à-temps", et rappelle les fondamentaux, surtout tels qu'ils étaient compris à l'époque où Toyota était en train systématiser le TPS. L'auteur identifie ainsi sept facteurs de cette productivité exceptionnelle :
- Emploi optimal du personnel : l'auteur remarque que le ratio de frais de personnel/valeur ajoutée est particulièrement faible chez Toyota. Par ailleurs, le taux équipement/effectif est deux à trois fois plus important que dans les autres firmes. Il s'agit là d'une optimisation du travail direct par rapport à la valeur ajoutée et aux frais d'équipement.
- Réduction des stocks par la méthode kanban : lors de l'écriture du livre, le stock de matières premières, produits semi-finis, consommables et outillages et produits finis correspond à 0,14 mois de chiffres d'affaire - soit trois jours de production. Ceci se compare au ratio alors en vigueur dans le reste de l'industrie automobile : un mois et demi de chiffre d'affaires - et tout de même vingt jours chez Nissan, malgré leur propre adaptation du kanban.
- Concertation entre la production et la vente pour assurer une charge constante : cette dimension du lissage est très peu documentée. La division production (Toyota Motors) et la division des ventes (Toyota Sales) travaillent en concertation pour éviter les variations importantes de commandes en production.
- Qualité du personnel : le niveau des salaires chez Toyota est de 20% supérieur aux salaires payés dans les autres entreprises. Mais ce qui impressionne davantage l'auteur, c'est la qualité du travail fourni par chacun (précision du geste et respect des consignes).
- Conception des produits en vue de faciliter la fabrication : selon l'auteur, ce facteur explique en particulier que les retours et réclamations soient très faibles
- Environnement favorable : selon l'auteur, le syndicat de Toyota a appris, par l'expérience d'un grave conflit (qui a fortement marqué la culture de l'entreprise), combien la grève pouvait nuire aux relations patronat-syndicat et qu'elle n'était profitable à personne. Toyota a également profité de la forte croissante à l'export malgré un yen fort en réduisant son coût de fabrication.
- Gestion centralisée : Le siège de Toyota Motors se trouve au numéro 1 du quartier Toyota, à la même adresse que l'usine. Sept autres usines sont disposées aux alentours de ce siège-usine. Cette forte concentration permet de grouper tous les services fonctionnels des usines au sein du siège usine. Dans l'atelier, les contacts entre les employés sont fréquents et, par voie de conséquence, le personnel fonctionnel est peu nombreux.
Au total, l'auteur précise qu'il existe d'autres facteurs favorables, mais insiste essentiellement sur la recherche de productivité du personnel très
poussée chez Toyota.
Pour ce qui est de mettre en place le kanban, l'auteur reprend les 7 étapes de base suivantes:
- Equilibrage de la chaîne
- Suppression de la situation de manque de pièces
- Suppression des défauts dans les pièces
- Rapidité des changements de fabrication
- Standardisation du travail
- Suppression des pannes mécaniques, des défauts dans les outillages
- Existence de dispositifs de détection et d'arrêt en cas d'anomalie
Ce qui ce traduit, lors de la mise en place des cellules, par:
- Détermination et fixation du temps de cycle de production (takt time, temps de fabrication, nombre de cellules)
- Constitution des cellules
- Suppression des en-cours entre les cellules
- Mise en place de moyens de manutention des pièces entre les postes, tels que les produits peuvent être facilement saisis (équipement des postes de travail pour installer, poser, mesurer immédiatement, éventuellement enlever instantanément)
- Développement du contrôle qualité en cours de fabrication et des sécurités contre les erreurs, pour obtenir un taux de défauts nul
- Synchronisation de toutes les cellules afin d'éviter les en-cours et de maintenir le flux continu
- Installation de dispositifs automatiques de détection des anomalies et de dispositifs d'arrêt.
- Mise en place de changements de fabrication rapide
On retrouve décrits dans cet ouvrage, de façon certes sommaire, la plupart des outils du lean, du lissage de la production à l' andon. Certains aspects ont été très développés depuis, mais d'autres, comme par exemple la mise en place d'un système de suggestion ont toujours de mal à décoller dans les mises en oeuvres occidentales du lean.
L'auteur de la postface conclut :
"une dernière conclusion, et non la moindre, que l'on peut dégager de ce livre est la "valeur de l'obstination". La méthode kanban est née péniblement, après hésitation, consultations, conflits dont ce livre donne de nombreux échos. Elle ne résulte pas de l'apparition de nouvelles technologies miracles, mais bien d'une vision industrielle qui a obtenu l'adhésion de l'ensemble du personnel de quelques entreprises performantes."
Plus de vingt ans plus tard, il serait possible de répéter cette conclusion. Ce premier ouvrage sur le kaban montre, en premier lieu, à quel point la
méthode est stable car ses fondements restent les mêmes au travers des années. Il met également en évidence nos incroyables difficultés d'application, car la plupart des nombreux exemples d'application hors Toyota cités dans le livre ne font pas leur âge - on s'y méprendrait ! |
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