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    Editorial - Le Lean dans la crise

    Alors que nous vivons une crise industrielle sans précédent, nous entendons de plus en plus souvent des questions sur le "lean dans la crise" : "Comment les entreprises qui pratiquent le lean réagissent-elles ? Tirent-elles de ce système un avantage comparatif dans des situations aussi dramatiques que des pertes de volume de trente à quarante pourcents ? Sont-elles au contraire plus fragiles ou particulièrement exposées ?"

    Chaque entreprise est bien entendu différente et réagit de manière spécifique à des circonstances aussi exceptionnelles. Toutefois, ces derniers mois permettent de dégager des cas auxquels nous avons été confrontés trois niveaux de réaction distinctifs des entreprises engagées dans des démarches lean face à la crise.

    En premier lieu, les entreprises qui ont mis en place des éléments de flux tirés (pull system) ont eu les moyens de réagir plus rapidement que celles qui fonctionnent en flux poussés traditionnels, et ont pu freiner plus vite, avant que ne s'accumulent des monceaux de stocks intermédiaires. Ainsi, le pic du rythme d'augmentation des stocks en France semble avoir été atteint en décembre 2008, c'est-à-dire quelques semaines à peine après le déclenchement de la crise (enquête de conjoncture INSEE, mars 2009). Elles ont aussi pu propager plus rapidement les baisses de commandes de leurs clients le long de leur supply chain. Ainsi, Toyota semble profiter de la crise pour diffuser en Europe des techniques de suivi de stock et de "build-to-order" jusqu'alors peu pratiquées sur notre continent : "Pas à pas, nous voulons nous rapprocher de l'organisation nippone (en Europe)", indique ainsi Didier Leroy (Reuters, 7 avril 2009).

    Comment cette propagation est-elle accélérée par le Lean ? Pas principalement par le mécanisme interne des cartes kanban, qui ne pilote que le très court terme. En effet, le pull system comporte deux autres composantes impactant les fournisseurs :

    1. les programmes hebdomadaires de fabrication sont établis par un "master scheduler" qui les transmet aux fournisseurs pour les composants qui les concernent. Même si l'appel stricto sensu se fait par kanban, l'information principale est le programme de production qui détaille le besoin ferme de la semaine à venir et le besoin prévisionnel des onze semaines suivantes. Les fournisseurs ont donc ainsi été mis au courant de l'effondrement des commandes au fur et à mesure que celui-ci s'est produit et pas ex post ;
    2. le stockage à plat selon des emplacements dédiés par composant et une limite sur le nombre de conteneurs qu'on peut y ranger permet de voir immédiatement que les arrivées de pièces approvisionnées dépasse la consommation courante, de la manière la plus concrète : les emplacements de stockage débordent. Les entreprises avec un stockage à plat suivi ont ainsi pu réagir plus rapidement, y compris pour les approvisionnements qui se font de manière non tirée par des kanbans.

    Cette réaction rapide est "lean" en ce qu'elle repose sur la faiblesse des stocks dans la supply chain, la "tension" qui y règne. Elle permet aux entreprises d'économiser tant que possible leur cash (en évitant d'acheter des composants dont elles n'ont pas un besoin immédiat), dans une période où, malheureusement, la consommation de cash mensuelle due aux frais fixes est supérieure à la génération de cash par les ventes. La différence est visible avec les entreprises qui ont des supply chains longues et complexes moins propices à une prise de mesure rapide de la crise. Ayons une pensée émue pour tous ces containers qui voguent aujourd'hui encore depuis l'Extrême-Orient vers des usines qui n'en aucun besoin...

    Voilà pour la bonne nouvelle. Hélas, le deuxième effet de la crise est moins favorable au lean. En effet, dans de nombreuses entreprises (ou départements d'entreprise), les efforts de kaizen ont été arrêtés "à cause de la crise". Cet abandon rapide témoigne de la très réelle difficulté de maintenir l'esprit kaizen en toutes circonstances. Le dispositif lean pour contrecarrer cette difficulté est la North Star, qui consiste à avoir un suivi très régulier des indicateurs clefs de l'usine (taux de service, réclamations, PPM, PPH, TRS, stocks, nombre de suggestions réalisées...) Le principe en est le suivant : lorsque l'usine recule selon l'un de ces indicateurs, on se doit de redoubler d'efforts d'amélioration pour ne pas accepter ce recul comme inéluctable. Encore faut-il savoir que faire pour "forcer" l'unité à rester sur la bonne direction, même quand les circonstances ne s'y prêtent pas. Rien ne l'interdit a priori, hors notre propre panique face à la crise : les techniques du lean sont justement nées de périodes de grandes crise chez Toyota, dans les années cinquante puis dans lors des chocs pétroliers.

    Le problème, c'est qu'il est si facile (et compréhensible) d'être obnubilé par les actions désagréables qu'on est obligé de mener (réduire les heures travaillées, arrêter de l'intérim, couper les commandes fournisseurs, voire pire) et d'oublier qu'il reste des gens dans les usines qui fabriquent des pièces heure après heure. Or le moral de ceux qui restent est fondamental pour pouvoir survivre au raz-de-marée, et les pièces doivent continuer de sortir bonnes et à l'heure. Les moments de baisse de commandes sont, en fait, des moments où l'importance du kaizen est plus grande que jamais. Il faut tout particulièrement s'occuper de ceux qui restent, et éviter le discours totalement décourageant du "vous avez déjà de la chance de ne pas être dans la charrette..." En effet, dans une période de baisse d'activité, il s'agit d'adapter le rythme de la production à celui des ventes et donc de faire de la productivité et de la flexibilité à la baisse de volume, ce qui est particulièrement complexe -- et à peu près infaisable sans recourir au lean ! La flexibilité pose les difficultés les plus cruelles : imaginez comment vivre avec la moitié du volume et le même mix produit, sans doubler le ratio des stocks sur le chiffre d'affaires. La seule solution pratique est de réduire la taille des séries pour les adapter à la baisse de demande. Le SMED est donc plus urgent que jamais.

    Troisième effet constaté, quelques rares entreprises ont su maintenir le cap et poursuivre leur activités lean malgré la tempête. Comme nous l'a formulé un dirigeant, "il n'y a jamais de bon moment pour faire du lean. Quand on a trop de demande, on n'a pas le temps. Quand ça va mal, on n'a pas le courage." Pour ces quelques entreprises, le lean en temps de crise est l'occasion de révéler les véritables faiblesses des processus de production, que l'on cache souvent par de la ressource supplémentaire. Du fait de l'arrêt de l'intérim et de la réduction des heures travaillées, le management de terrain se retrouve souvent avec moins d'activité et de personnes à manager en nombre. Dans les entreprises lean, cela permet un suivi beaucoup plus minutieux de la qualité des pièces, de l'écoulement des stocks et de la productivité sur chaque cellule. Ainsi, même des usines qui font du lean sérieusement depuis des années ont pu découvrir des gisements de muda insoupçonnés. Le lean en temps de crise est bien plus exigeant que le lean en période faste, mais aussi plus rémunérateur en termes d'amélioration du système de production. Du point de vue de l'esprit d'équipe, les opérateurs qui font partie de chantiers kaizen, ou qu'on alloue a des actions d'amélioration de moyen terme lorsqu'il n'y a pas de demande immédiate sur les lignes sont rassurés par le souci qu'a leur management de s'occuper de l'usine et de son personnel -- au lieu de préparer une fermeture ou un plan social.

    Au regard de six mois de crise brutale et profonde, ces trois réactions ne devraient pas surprendre. Après tout, le lean est une méthode de gestion des opérations plus rigoureuse qui conduit à des processus plus "tendus". Pratiquer le lean, c'est sortir d'une attitude optimiste et fataliste (« ça le fera ! ») pour adopter trois attitudes fondamentales, qui éclairent les différents outils et les comportements du management lean :

    1. la confirmation à chaque étape, pour ne pas laisser passer des produits de mauvaise qualité ou des dossiers mal bouclés et éviter à tout prix les retouches ;
    2. le juste-à-temps, pour arriver au rendez-vous sans prendre d'avance ni de retard ;
    3. l'amélioration des postes de travail par les gens qui y travaillent eux-mêmes.

    Plus généralement, il s'agit de lutter contre le muri (en gardant les processus dans de bonnes conditions de travail), le mura (en lissant et en tirant le flux de travail) et le muda (en associant les opérateurs à l'élimination des gaspillages.)

    Dans des moments difficiles, il est facile de baisser les bras sur ces trois sujets. Il est tentant en temps de crise de ne pas vérifier rigoureusement chaque pas du processus, étape après étape pour s'assurer que les pièces (ou dossiers) obtenus correspondent bien aux attentes, en pensant qu'on corrigera tout à la fin. La confirmation continue que chaque étape d'un process est en conditions "normales" est pourtant la clef de l'efficacité réelle : le bon du premier coup. Il est plus facile de le voir en usine que dans des processus tels que le développement, mais tenons compte des heures perdues lors d'une mauvaise analyse en amont d'un projet d'ingénierie !

    Il est tentant en temps de crise de s'affranchir de la discipline du juste-à-temps. Pourtant, être en avance à la gare et prendre le train précédent ou attendre le train suivant parce qu'on vient de rater le sien emportent la même pénalité collective : du temps perdu et des plans décalés, qui induisent de l'instabilité dans toute la chaîne de travail. L'apport principal du juste-à-temps, c'est d'imposer de faire non pas ce à quoi nous poussent nos impulsions de pompier, mais ce qui est collectivement pertinent en toute circonstance.

    Enfin, particulièrement lorsque les situations sociales sont tendues, il est bien commode d'arrêter de parler aux opérateurs et de ne plus leur demander leurs idées pour améliorer l'efficacité de leurs stations de travail. Pourtant, en arrêtant le kaizen, on se prive d'un canal de communication privilégié avec les seuls à réellement apporter de la valeur -- crise ou pas crise. Le contrat fondamental du lean reste la protection de la sécurité et de l'emploi des opérateurs en échange de l'amélioration continue des postes de travail. C'est précisément quand la situation est difficile qu'il faut faire l'effort de travailler ensemble.

    Cette crise conduit donc à deux conclusions. Premièrement, les entreprises les plus engagées dans le lean souffrent tout autant que les autres, mais réagissent plus vite, plus fort, et tiennent mieux le coup dans la tourmente (les cours de bourse des grands constructeurs automobiles sont de ce point de vue éclairants : l'action Toyota a certes été divisée par deux entre son point haut début 2007 et son point bas fin 2008, mais celle de Ford a été divisée par trois et celle de Renault par dix).

    Deuxièmement, la crise est un puissant révélateur de la réalité de l'engagement lean des entreprises. Elle permet de distinguer les entreprises qui se sont vraiment engagées dans une démarche de management lean et qui mettent l'autoqualité, le flux tiré et le kaizen au c½ur de leurs pratiques managériales au quotidien de celles qui se sont contentées d'un programme "lean" périphérique à leurs opérations. Les premières poursuivent leur développement du lean, et font le maximum pour survivre tout en se préparant au redémarrage. Les autres baissent les bras et abandonnent progressivement leurs actions "lean" tout en espérant que, cette fois encore, elles passeront au travers des gouttes.

    (21 avril 2009)


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