Editorial du Projet Lean Entreprise : "Le lean est devenu mainstream, mais qu’est vraiment le lean ?"
Un excellent article de Jérôme Fenoglio, grand reporter au journal Le Monde résume les débats du lean en France. Mouvement productiviste issu du fordisme qui pousse le taylorisme à l’extrême pour les uns. Méthode de développement des compétences individuelles permettant de développer un meilleur tissu relationnel au sein de l’entreprise pour les autres. Les deux sont vrais. Kiichiro et Eiji Toyoda ont formulé leur système de production en visitant les usines de Ford et en comprenant qu’il leur fallait atteindre le même niveau de compétitivité tout en développant la flexibilité (ils ne pouvaient pas s’offrir une usine par modèle) et qu’il fallait pour cela s’appuyer sur l’implication des opérateurs (Eiji Toyoda, décédé récemment, a étendu le système de suggestion qu’il a vu, mal employé de son point de vue, dans une usine Ford).
En revanche, il est surprenant de lire les chroniques de l’aventure Toyota écrites par ceux qui l’ont vécue : le Toyota Production System y est à peine mentionné. Ce n’était qu’un outil permettant de résoudre le vrai problème : proposer aux automobilistes japonais des voitures attractives. En France, en particulier (mais c’est aussi vrai ailleurs), la fixation sur le coût du travail occulte la motivation profonde dont est issue le TPS : la satisfaction des clients.
C’est pour satisfaire les exigences qualité des clients qu’il faut produire pièce-à-pièce de façon à pouvoir vérifier les pièces une par une et non plus par lots (une idée exprimée très clairement par Shigeo Shingo). C’est pour satisfaire la demande de variété des clients qu’il faut construire des chaines flexibles et ne pas faire subir à chaque nouveau modèle le poids d’investissements dédiés. C’est pour proposer aux clients des prix abordables (et compétitifs) qu’on travaille chaque jour la productivité. Et rien ne peut se faire sans l’engagement actif de ceux qui produisent la valeur : pas de satisfaction des clients sans satisfaction des employés.
La vraie révolution du lean se trouve dans l’idée fondamentale que PRODUIT = PROCESS. Le produit est le résultat d’un processus technique, lui-même une suite de procédés qui font des choses bien précises, et qui inversement déterminent la réussite du produit. Plus un artisan est habile de ses différents outils, plus il connaît son métier, plus il sera capable de fabriquer des pièces uniques qui enchanteront ses clients – et amis. Le débat est le même avec une envergure industrielle.
Nous vivons une période particulière d’accélération technologique et les entreprises sont prises entre Big Data et la connectivité d’une part qui modifie toutes les supplychain et l’évolution des composants et matériaux qui changent la conception même des produits. Pour se développer un produit nouveau doit plus que jamais être co-évolutif avec son environnement commercial et technique. C’est en cela que le lean propose une réponse originale.
Le travail de kaizen, au quotidien avec les ingénieurs et opérateurs permet non seulement le développement pas à pas des compétences mais aussi l’enrichissement de la collaboration entre expertises et spécialités. Ces deux savoir-faire, l’un technique et l’autre relationnel sont la clé d’un développement de produit qui colle aux évolutions quotidiennes des goûts et des technologies.
Les démarches « lean » de réduction des coûts passent complètement à coté de la vraie promesse du lean et, malheureusement, en découvrent les menaces. Lean manufacturing n’a guère de sens sans lean engineering, nous le savons maintenant. Le secret de la réussite est dans la capacité à faire travailler les fonctions ensemble au delà des barrières fonctionnelles pour la satisfaction des clients.
Venez nous rejoindre au Lean Summit à Lyon les 1er et 2 Avril 2014 pour poursuivre ces discussions avec les entrepreneurs pour qui le lean est la stratégie !
Projet Lean Entreprise (14 octobre 2013)Les Anciens Editos