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La Lettre de Jim Womack en version française

Avec l'accord du Lean Enterprise Institute, nous vous proposons régulièrement la traduction en Français de la lettre de Jim Womack. Toute reproduction publique, même partielle, de cette traduction est soumise à autorisation. Les lettres archivées sont accessibles en bas de page.

Passer le témoin de la résolution des problèmes d’une équipe Lean transversale aux managers opérationnels (17 juillet 2008)

Dans le cadre d'un nouveau projet de recherche de LEI sur le Lean Management, j'ai visité des organisations bien avancées dans leur programme de transformation Lean. J'interroge les responsables de ces initiatives au sujet de leurs méthodes, de leurs expériences, et de leur trajectoire. Puis je fais une promenade le long d'une ou plusieurs de leurs chaînes de valeur pour observer l'exécution et pour échanger avec les managers opérationnels sur leurs perspectives sur le Lean. Voici une histoire typique d'une récente visite :

L'organisation A poursuit un programme ambitieux « de six-sigma Lean » pour l’ensemble de l'entreprise. Comme cela semble de plus en plus courant, c'est une consolidation en une activité unifiée des programmes commencés séparément de Lean et de six-sigma, reportant à un vice-président en charge de l'amélioration des processus et de la qualité au siège social.

Le programme est piloté par une importante équipe interne assistée par quelques consultants externes. Des progrès notables ont été accomplis en réconciliant les approches du Lean et du six-sigma en adaptant DMAIC (définir, mesurer, analyser, améliorer, contrôler) comme méthode PDCA de résolution des problèmes de l'organisation (Analyser, Faire, Vérifier, Ajuster). (Il m’est souvent demandé si DMAIC ou PDCA ou A3 est la méthode « correcte » à employer et je dis toujours, « sélectionnez-en une, adaptez-la éventuellement à vos besoins, assurez-vous que chacun la comprend, et allez-y. La bonne méthode est celle qui produit régulièrement de bons résultats dans votre entreprise et vous pourrez juger de cela par vous-même au fil du temps. »)

L'équipe a mis en place une initiation à la pensée Lean et au potentiel des procédés auprès d’un nombre important d'employés et a conduit un nombre substantiel de managers opérationnels à la certification Lean et au niveau ceinture noire. Elle a fait ceci tout en menant un grand nombre d'activités rapides d'amélioration (identifiées « kaizen ») qui impliquent à la fois les managers opérationnels et les employés travaillant directement sur les chaînes de valeur. Elle conduit également des projets six-sigma des questions qualité sur des périodes prolongées, projets qui recouvrent et analysent de grandes quantités de données.

Les différentes améliorations ont souvent été très impressionnantes, en particulier mesurées en termes financiers en utilisant la méthodologie six-sigma. Mais, pendant que je parlais avec les managers opérationnels, j'ai découvert que ces améliorations individuelles n’étaient pas connectées bout à bout et ne traversaient pas les secteurs d’activités, les départements, et les diverses fonctions de l’entreprise. Il est par conséquent possible que le gain financier global pour l’entreprise soit beaucoup plus faible que la somme de différentes améliorations. Ceci conduit à une observation que j'entends fréquemment : « Pourquoi, puisque nous économisons tellement d'argent et améliorons tellement la qualité sur différentes étapes des processus, y a-t-il si peu de retombées sur les résultats et si peu, voire pas, de clients qui semblent plus satisfaits ? »

De plus, ces améliorations individuelles ne sont pas faciles à poursuivre une fois que l'équipe se focalise sur le prochain projet. Les managers opérationnels sont contents des concepts qu'ils ont appris mais notent qu'ils doivent toujours combattre les incendies dont les sources sont en amont et en aval des secteurs qu’ils contrôlent. Ceci leur laisse peu de temps pour mettre en place des standards, soutenir ce qui a été réalisé et aucun pour planifier la prochaine étape de progrès. En outre, rien du système de mesure centralisé sur lequel ils sont jugés n’a été modifié, et il est souvent facile d’obtenir un mauvais résultat en dépit de l’amélioration valable et réelle d'un Process. Et finalement, nombre de managers savent qu'ils seront bientôt en poste ailleurs – dans le cadre des normes d’avancement à grande vitesse en gestion des organisations - sans qu’ils aient les moyens de transmettre ce qu'ils ont appris du Process à celui qui les remplacera.

Lors de ma visite, l'équipe Lean six-sigma se penchait sur ses accomplissements sur plusieurs années et m’a demandé ma vision à 5 ans sur le programme. Je crois qu'ils s'attendaient à ce que je leur dise qu'ils devaient accélérer le rythme des améliorations, avec plus de formation, plus d'événementiel sur l’amélioration, et très probablement plus de personnel. Ma réponse a été tout à fait différente :

« Vous avez besoin de passer, pendant les cinq années à venir, d'un programme d’améliorations ponctuelles conduit par une équipe dédiée, à une transformation de la manière de penser et d’agir des managers opérationnels. Le travail principal de managers opérationnels doit être de résoudre de bout en bout et en continu les problèmes des processus opérationnels et transversaux qui sont de leurs responsabilités. En résumé, vous avez besoin de passer d'une équipe conduisant un programme à des managers résolvant quotidiennement les problèmes importants pour l'organisation, souvent avec le soutien technique de votre équipe Lean. »

Je leur ai garanti qu'un tel changement d’objectif ne réduira pas l'importance de l'équipe Lean. Il créera plutôt une demande pour aborder des questions de processus techniquement plus intéressantes pendant que les managers opérationnels traiteront par eux-mêmes les problèmes plus simples. Cela devrait également donner un nouveau rôle à l'équipe Lean, celui de donner son avis sur la conception des procédés de fabrication pour chaque nouveau produit. C'est une faiblesse critique de l'organisation actuelle, qui lance par habitude des nouveaux produits avec des procédés de production mal conçus, aboutissant à un besoin immédiat de kaizen. (Il s'avère qu'il y a même un mot japonais pour cette pratique - « Touzen » - qui est employé pour décrire du kaizen qui ne devrait pas avoir été nécessaire.)

Malheureusement, je n’ai pas pu être aussi rassurant sur ce que je vois comme le plus grand défi de l'équipe Lean : Ils doivent convaincre la Direction Générale que les méthodes de management de l'organisation A doivent être entièrement repensées. Chaque processus important doit avoir un manager complètement responsable qui reste sur le projet assez longtemps pour comprendre vraiment le processus. Et les méthodes de mesure de la performance du management doivent être ainsi soigneusement adaptées pour que le manager soit régulièrement récompensé d’avoir mis en œuvre des actions efficaces pour le processus étendu et sur une période étendue.

Bien qu’il puisse paraître difficile pour une équipe transversale d’aborder un tel sujet avec la Direction Générale, je me demande bien qui d’autre que les cadres, ayant le savoir faire le plus étendu des processus et avec la meilleure connaissance de ce qui se passe aujourd'hui sur le terrain, le pourrait. Ainsi je les ai fortement encouragés à essayer et j’ai promis de les aider autant que faire se peut au travers de mes communications écrites et orales.

Avant de terminer, veuillez comprendre que je ne critique pas les programmes Lean que Dan Jones et moi avons aidé à populariser au travers du Lean Thinking. Ils sont habituellement essentiels pour obtenir l'attention des personnes, sortir les organisations d’un point mort, et présenter rapidement de nouvelles idées tout en démontrant clairement leur potentiel. Mais ils ne sont jamais suffisants. Ce que chaque organisation doit faire à partir d’un certain point est de transformer la démarche Lean menée par une équipe spécialisée en une démarche focalisée sur la résolution de problèmes par le management opérationnel. Et plus rapidement et plus complètement une organisation fera cette transition, mieux elle réussira.

Jim WOMACK
Président et fondateur du Lean Enterprise Institute

Merci à François Leteux, Conseil en Agility Management - A²C², pour cette traduction.

Lettres archivées

----- Revision r1 - 2008-12-24 - 10:47:45 - GodefroyBeauvallet
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