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La Lettre de Jim Womack en version française
Avec l'accord du Lean Enterprise Institute, nous vous proposons régulièrement la traduction en Français de la lettre de Jim Womack. Toute reproduction publique, même partielle, de cette traduction est soumise à autorisation. Les lettres archivées sont accessibles en bas de page.
Respectons la démarche scientifique, surtout en temps de crise (5 mars 2009)
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La récession actuelle est la cinquième de ma carrière. Et elle semble bien vouloir être la pire. Je ne peux pas imaginer qu’un seul manager ou un seul membre d’une équipe d’amélioration, quels que soient l’industrie et le pays, ne se sente pas plutôt mal à l’aise dans la situation présente alors que l’économie mondiale continue de sombrer toujours plus bas. Dans ces temps troublés, où devons-nous aller pour repérer notre étoile polaire afin d’être rassurés que nous empruntons la voie la plus prometteuse ? J’ai récemment trouvé une réponse.
En révisant attentivement un nouvel ouvrage publié par LEI, j’ai eu l’opportunité de passer beaucoup de temps en compagnie des « pères du Lean ». Je veux dire par là, le petit groupe de managers opérationnels japonais qui réalisa la percée initiale conduisant à la création de la première entreprise Lean et qui a été interviewé en profondeur sur ce qu’ils avaient fait alors et pourquoi. Le point pertinent pour l’instant est qu’un petit groupe de managers a réalisé une transformation Lean complète durant une période d’extrême stress et mettant en ½uvre les actions les plus osées pendant la crise financière de 1950.
Cette année là, alors que l’économie japonaise entrait dans une récession brutale, la Toyota Motor Company s’est retrouvée à cours de liquidités, sa trésorerie étant « investie » dans des stocks de produits dont ses clients ne voulaient plus. L’entreprise tomba dans l’escarcelle des banques qui la coupèrent en deux, une société dédiée aux fonctions Marketing et Ventes, l’autre au développement et à la production produits. (Ces deux sociétés ne furent re-fusionnées qu’en 1982 pour créer l’actuelle Toyota Motor Corporation). Le président fondateur, Kiichiro Toyoda (le grand-père de l’actuel nouveau président Akio Toyoda), fut évincé par la même occasion. La réalisation de ce qui devint le Toyota Production System, en même temps que les autres « systèmes » Toyota – développement produits, management des fournisseurs et soutien clients – fut la réponse créative à cette crise.
Lorsque j’ai commencé à lire ces interviews, je m’attendais à découvrir que les managers de Toyota avaient un programme d’actions clairement défini depuis le début. Il me semblait évident que des leaders comme Taiichi Ohno, Kikuo Suzumura et Eiji Toyoda savaient exactement où ils allaient et comment y aller. J'espérais également trouver un organigramme clair de l'équipe d'amélioration et le programme formalisé qui allait avec (un peu comme le « Chemin du futur » de la récente campagne publicitaire de Toyota).
Au lieu de cela, j’ai découvert une poignée de managers opérationnels qui avaient des idées simples et un sens de l'urgence poussé à l’extrème : minimiser les temps de cycle de la commande à la livraison (pour libérer un cash devenu rare), éliminer les gaspillages à chaque étape de chaque process (pour réduire les coûts et améliorer la qualité), agir de immédiatement (parce que le temps était compté). Mais ce qu’ils possédaient aussi – et ce fut décisif – c’était une rigueur toute scientifique. Bien qu’agissant dans l’urgence, ils ont pris le temps nécessaire pour documenter les conditions initiales, énoncer très clairement les hypothèses, conduire des expérimentations rigoureuses, mesurer chaque résultat et réfléchir sur ce qu’ils obtenaient réellement tout en partageant le plus largement possible leurs découvertes.
Ce qu’ils n’avaient pas, en revanche, c’était un « programme » ou même un nom pour le système de recherche scientifique qu’ils étaient en train de créer. En effet, le label « Toyota Production System » ne fut introduit qu’en 1970 – après que le système ait été achevé – afin de pouvoir l’expliquer aux fournisseurs. Ils n’avaient pas plus de direction de programme que d’équipe de progrès dédiée. La fameuse Operations Management Consulting Division (OMCD) ne fut créée qu’à peu près au même moment que le label TPS et seulement après que le TPS ait été déployé dans toute l’entreprise. Cet acte remarquable de création chez Toyota – basé sur un processus systématique de recherche scientifique (PDCA, NDT) – a été mené par des managers opérationnels considérant que c’était la partie la plus importante de leurs tâches quotidiennes. Et – c’est là que cela devient vraiment enthousiasmant – ils réalisèrent la plupart de leurs recherches au c½ur d’une bataille épique pour la survie.
En en sachant plus sur les réalisations de Toyota dans les années 50, alors que l’entreprise se débattait pour survivre, j’apprécie mieux le fait que nous n’avons aucune excuse aujourd’hui en cette période de marchés chaotiques et de demande en chute libre. Une approche scientifique systématique fonctionne où qu’elle soit appliquée et quelque soit le process. C’est aussi plus, et non pas moins, utile dans les profondeurs d’une crise. Le seul ingrédient qui pourrait éventuellement manquer aujourd’hui, avec la crise actuelle, serait notre détermination à respecter une démarche scientifique rigoureuse. Et ça, vous pouvez rapidement le rectifier par vous-même !
Avec mes meilleurs v½ux de découvertes créatives en ces temps chaotiques,
Jim WOMACK
Président et fondateur du Lean Enterprise Institute
Merci à François Leteux, A²C² SARL, et à Emmanuel Jallas, Lysippe, pour cette traduction.
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Lettres archivées
- 50. Respectons la démarche scientifique, surtout en temps de crise (5 mars 2009)
- 49. L'Important d'être Constant (11 février 2009)
- 48. Apprendre à manager (22 janvier 2009)
- 47. Si la vague est assez haute, tous les bateaux chavirent (31 décembre 2008)
- 46. Il faut être au moins deux pour faire A3 (7 octobre 2008)
- 45. Manager des contrats ou améliorer les flux de valeur ? (16 septembre 2008)
- 44. La Pire Forme de gaspillage (14 août 2008)
- 43. Passer le témoin de la résolution des problèmes d’une équipe Lean transversale aux managers opérationnels (17 juillet 2008)
- 42. Créer de la valeur ou jongler avec les actifs ? (1er mai 2008)
- 41. La Grosse Variation et l'Ecrémage (4 avril 2008)
- 40. Yokoten tout autour du monde (6 mars 2008)
- 39. Le Lien manquant (7 février 2008)
- 38. Cadence (3 janvier 2008)
- 37. Respecter les personnes (22 décembre 2007)
- 36. Déjà dix ans ! (23 octobre 2007)
- 36. Un Kaizen de retouche (22 août 2007)
- 35. L'Epreuve de la durée (30 mai 2007)
- 34. Créer un système de soins lean (3 mai 2007)
- 33. Pourquoi Toyota a gagné et comment Toyota peut perdre (4 avril 2007)
- 32. Réflexions complémentaires sur la transformation Lean (16 janvier 2007)
- 31. Ce que j'ai appris sur la planification et l'exécution (14 décembre 2006)
- 30. Des Outils lean au management Lean (21 novembre 2006)
- 29. Produit Intérieur Brut contre Gaspillage Intérieur Brut (23 octobre 2006)
- 27. La voie lean pour avancer chez Ford (19 septembre 2006)
- 26. Penser de bout en bout (11 août 2006)
- 25. Mura, Muri, Muda ? (6 juillet 2006)
- 24. Projets, Processus, Personnes (12 juin 2006)
- 23. Moins de héros, plus de paysans (12 mai 2006)
- 22. Le Nouveau Lean Enterprise Institute (5 avril 2006)
- 21. Juste-à-temps, juste au cas où, et juste tout faux (22 janvier 2006)
- 20. Une Réelle Opportunité (7 novembre 2005)
- 19. Nécessaire mais pas suffisant (17 octobre 2005)
- 18. L'édition Lean et la parution de Lean Solutions (8 septembre 2005)
- 17. Consommer et distribuer : des solutions lean (16 août 2005)
- 16. La Vérité émerge des rêves de la fiction (31 mai 2005)
- 15. Le hic avec le travail créatif et le management créatif (10 mai 2005)
- 14. La spectaculaire diffusion de la pensée lean (11 avril 2005)
- 13. Consommer lean (7 mars 2005)
- 12. Un Leadership lean (3 février 2005)
- 11. L'Etat du lean en 2005 (12 janvier 2005)
- 10. Une Ballade dans l'histoire du lean (8 décembre 2004)
- 9. Un Système d'information Lean (5 novembre 2004)
- 8. En déconstruisant la Tour de Babel (8 octobre 2004)
- 7. La Concurrence vaut-elle le lean ?, 5 septembre 2004
- 6. Mauvaises gens ou mauvais processus ?, 29 juillet 2004
- 5. Créer une stabilité élémentaire, 26 mai 2004
- 4. Soucis standardisés, 27 avril 2004
- 3. Les Merveilles des flux tirés et lissés, 30 mars 2004
- 2. Le "lean" au-delà des frontières de l'usine, 24 mars 2004
- 1. Ajouter des coûts ou créer de la valeur ?, 4 mars 2004
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