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En démêlant la chaîne d'approvisionnement
Daniel T. Jones, leanUk.Org, 8 avril 2008
L'autre jour, j'étais avec un groupe de dirigeants qui essayaient de comprendre une carte du flux de valeur. Ce cas concernait un composant automobile allant des matières premières jusqu'à la ligne de montage, mais cela aurait tout aussi bien pu être pour de nombreux autres produits, tels que des appareils médicaux fournis à un hôpital. Etonamment c'était la première fois que ces dirigeants observaient tous les flux impliqués dans la fabrication de ce produit. Ils étaient étourdis par ce que cela révélait.
Cela prend apparemment entre 26 et 97 semaines – ou entre 6 mois et presque deux ans – pour réaliser un total de 156 étapes de production dans 21 usines éparpillées sur quatre continents. Nous avons estimé que cela ne prenait pas plus de 200 minutes – soit juste moins de trois heures et demie – pour réaliser ces étapes de forgeage, d'usinage et d'assemblage. De plus, ces pièces voyagent littéralement des dizaines de milliers de kilomètres à travers le globe avant que les six dernières étapes ne soient réalisées près du client final, au cas d'espèce aux Etats-Unis.
Calculer le coût total de stock au long de cette longue route est un spectaculaire avertissement. Ce n'est pourant que le haut de l'iceberg des coûts inutiles dans la chaîne d'approvisionnement. Est-il vraiment nécessaire que cela prenne presque deux ans pour réaliser trois heures et demie d'opérations à valeur ajoutée ? Alors que ces dirigeants étaient scandalisés, cette situation est malheureusement très courante. Ce qui est surprenant, c'est qu'eux et de nombreux autres fournisseurs de l'automobile soient allés aussi loin dans la mauvaise direction ces dernières années, bien qu'ils aient commencé à pratiquer le lean dans leurs usines il y a plus d'une décennie.
Aussi se sont-ils demandés comment ils avaient pu se fourvoyer. Et ce que cela révèle sur la réflexion qui sous-tend la manière dont ils gèrent leurs chaînes d'approvisionnement.
Onze des 21 usines de la chaîne appartiennent à ce fournisseur et chacune d'elle est spécialisée dans son activité propre, réalisée sur de nombreuses pièces pour différents clients de par le monde. Ce sont les "usines spécialisées" traditionnelles populaires avant l'émergence du lean et toujours colportées par quelques consultants – honte à eux. L'idée sous-jacente est de concentrer les compétences et les machines en peu de lieux afin de tirer parti des économies d'échelle (des machines plus grosses et plus performantes) et d'améliorer l'utilisation des capitaux.
Cependant notre expérience est contradictoire avec cette doctrine des usines spécialisées, comme avec bien d'autres : une plus grande diversité de produits dans chaque usine résulte en de moins bons taux de performance et plus mauvaise utilisation des capitaux qu'avant, et également en beaucoup de coûts supplémentaires dans la chaîne d'approvisionnement qui en est allongée.
Comme bien d'autres, ce fournisseur essaya de résoudre ce problème en achetant un système de planification ERP de SAP pour planifier chaque étape de production et chaque expédition. Cela non seulement créa le chaos habituel au moment de son installation, mais en plus ne supprima pas tous les changements de planification à court terme du plan et les actions précipitées associées -- en fait les deux semblent avoir empiré, de même que leur performance.
Ce fournisseur confronté à une pression sur les prix continue de ses clients, comme de nombreux autres, délocalisa une grande partie de sa production dans des pays à bas taux de main d'oeuvre : Brésil et Chine. En privé ces dirigeants décrivaient rétrospectivement cette délocalisation en Chine comme "un désastre". Les petits coûts de main d'oeuvre ont été plus que compensés par une multitude de coûts supplémentaires imprévus.
L'alternative Lean est d'essayer de regrouper le plus possible d'étapes de production pour chaque famille de produit à un seul endroit (soit proche du client, soit dans un pays à bas coûts à portée de camion dans la région), d'utiliser les machines correctement dimensionnées pour faire s'écouler les produits rapidement à chaque étape tels qu'ils sont prélevés par des signaux kanban venant des clients. Cela simplifie la planification et l'ordonnancement en même temps que cela comprime le délai total à travers la chaîne d'approvisionnement.
Mais les usines spécialisées, les systèmes ERP et les achats dans les pays à bas coûts de main d'oeuvre sont en fait les symptômes du système de management sous-jacent. A moins que les modèles mentaux derrière ce système de management soient transformés, ces erreurs seront répétées encore et encore et les initiatives lean ne germeront jamais.
Le management traditionnel se concentre sur l'organisation verticale du travail, des carrières, des technologies et des budgets dans les usines et les services. Personne ne voit, ou n'est responsable, du flux transversal de valeur à travers l'entreprise toute entière vers le client pour chaque flux de valeur d'une famille de produits.
Donc la première chose à faire est de rendre quelqu'un responsable des flux de valeur d'un bout à l'autre pour chaque famille de produits. Leur travail est d'articuler les besoins des process, de râler quand les services sont tentés d'agir dans leur intérêt propre plutôt que dans celui du process complet, et de piloter les actions pour raccourcir ces flux de valeur.
Le management traditionnel dicte également aux usines et aux chefs de services de "réaliser leurs budgets" à chaque période de reporting, ce qui est souvent plus facile à faire que de réduire les coûts des portions amont et aval des flux de valeur. Ce qui est nécessaire au lieu de cela, est un accord pour utiliser les méthodes lean pour raccourcir le flux et pour faire des progrès à chaque point visible par tous ceux qui sont impliqués.
Le management traditionnel fournit des ressources et prend des décisions d'investissement basées sur ces budgets. Cela signifie en fait qu'ils avancent à l'aveuglette sans connaître la situation réelle et n'ont en aucune façon la capacité de comprendre les coûts totaux des différentes usines.
L'apport d'un flux de valeur lean est de permettre de découvrir exactement quelles ressources sont nécessaires pour fournir rapidement les produits aux clients. C'est la bonne base pour créer un vrai modèle de coût d'usine à partir des coûts totaux, et pas seulement sur le prix départ d'usine auquel on ajoute des frais d'expédition standard. Cela permettra de révéler le potentiel énorme du raccourcissement du flux de valeur en temps et distances.
La morale de cet exemple est qu'il n'est pas suffisant de réfléchir à de meilleures conceptions de process quand on prévoit des chaînes d'approvisionnement, mais qu'il est également nécessaire d'améliorer les modèles mentaux sur lesquels votre système de management se base.
Bien à vous,
Pr. Daniel T Jones
Chairman, Lean Enterprise Academy
Merci à Emmanuel JALLAS, LYSIPPE Consulting, pour cette traduction.
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