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    -- ThomasHouy - 2011-05-31


    Editorial - "Penser contre soi-même"

    Nos résultats sont les conséquences de nos actions, comme nos actions sont l’expression de nos convictions. Pour autant, si nos actions nous apparaissent généralement assez clairement, à nous-mêmes comme aux autres, nos convictions sont plus difficiles à cerner. Il est rare que nous les formulions explicitement ; le plus souvent, nous les exprimons sous la forme d’intentions (« je vais lancer un kaizen sur cet atelier ! ») ou de relations de cause à effet (« si vous n’améliorez pas la qualité, aucune chance de sauver l’usine ! ») plutôt que sous leur véritable nature : des croyances (ici, respectivement : « on développe les opérationnels par la focalisation sur l’amélioration continue » et « sans qualité, il est impossible d’avoir une relation suivie avec un client. »)

    L’intuition fondamentale de Taiichi Ohno, l’ingénieur qui a établi les fondements de la discipline de travail qui s’est étendue sous le terme de lean, était que nos croyances erronées sont à l’origine des gaspillages de toutes sortes qui se traduisent par des surcoûts, tant pour les clients que pour l’entreprise. (Pour en savoir plus sur ce qui l'a amené à cette découverte, voir le Nota Bene en bas de page.)

    Pour Ohno, il existe (à conditions socio-techniques données) un coût plus ou moins incompressible pour réaliser un produit ou délivrer un service : un coût de matière, un coût de main d’œuvre, un coût d’équipement, un coût de structure. Ce coût est essentiellement identique pour tous les concurrents qui fabriquent le produit ou rendent le service. S’ajoute à ce coût de base- – « le noyau au cœur du fruit » -– toutes sortes de coûts supplémentaires qui ne sont eux pas absolument nécessaires, mais sont le reflet d’erreurs conceptuelles –- et ceux-là peuvent grandement varier d’une entreprise à l’autre.

    Exemples concrets :

    • chaque semaine, dans une usine, des ventes réalisées (on a la commande) mais non livrées, donc non facturées, donc non encaissées. Ces retards de livraison sont causés par un manque de fluidité du process et ont le double impact de fâcher le client (qui a besoin de ses pièces) et de créer un manque à gagner hebdomadaire de chiffre d'affaires. Ceci affaiblit le résultat de semaine en semaine, pour créer un "coût" supplémentaire pour l'entreprise. En améliorant le lissage et la fluidité du process, ce coût peut-être éliminé, ce qui se traduit par une amélioration rapide du résultat.
    • dans les services bancaires, une large campagne marketing en faveur d’un nouveau service est repoussée car on découvre au dernier moment qu’un prestataire n’a pas réalisé correctement un composant critique du système. Le coût d’annulation et de reprogrammation est considérable et est la conséquence d’une conviction erronée du chef de projet qui a choisi ses fournisseurs sur la base du moins-disant et n’a pas mis en place la structure pertinente pour suivre la qualité des travaux au cours de l’avancement.

    Il est trop facile de considérer de tels incidents comme des évènements exceptionnels : des fautes individuelles ou des accidents inévitables. L’intuition d’Ohno est qu’il ne s’agit pas d’évènements « imprévisibles, irrésistibles et extérieurs », mais bien des conséquences logiques des conceptions du travail que véhicule l’entreprise dans ses processus et ses modes de management.

    La seule manière d’obtenir durablement de bons résultats est donc de mettre en œuvre des bons processus, lesquels ne sont que le reflet de conceptions justes sur la manière dont les choses se passent. Et le vrai problème est là : face à la complexité des organisations, face à la rapidité des mutations des marchés et des technologies, comment savoir si les idées qui nous viennent (ou viennent à nos chefs…) sont les bonnes ? La pratique routinière, c’est d’en référer à l’intuition du chef (en espérant qu’elle ne soit pas un autre nom de la paresse intellectuelle), à des algorithmes rationnels (en espérant qu’ils ne soient pas un tableau Excel buggé), au consensus du comité de direction (en espérant qu’il traduise autre chose que l'équilibre du pouvoir à un moment donné), à des études de marché (en espérant qu’il ne s’agit pas de comparaisons hâtives), etc. Mais, curieusement, nous ne revenons jamais sur ces décisions, pour vérifier si nous avions raison ou tort -– et, de fait, ce n’est pas toujours facile de le déterminer, car les choses se présentent rarement de manière univoque.

    L’originalité de Taiichi Ohno est de constater qu’il n’est pas facile de reconnaître d’avoir eu tort quand on est chef : ce n’est apprécié ni de sa hiérarchie, ni de son personnel. Et pourtant, la force de la conviction (qui en revanche, est rassurante et pour ses chefs et pour ses équipes) ne garantit en rien la justesse des idées. Il pose ainsi en point de départ du lean la nécessité de faire en sorte de savoir reconnaître ses propres idées fausses. C’est un engagement fort qui nécessite d’une part ouverture d’esprit et curiosité, et d’autre part les moyens méthodologiques d’y parvenir. Mais c’est bien la clef du lean, et ce qui sépare les véritables praticiens de ceux qui suivent simplement une mode : réfléchir sans cesse à l’impact de nos convictions sur la satisfaction complète de nos clients et le coût réel de la réalisation, qu’il s’agisse de produits ou de services.

    Comment faire ? Le principe est clair :

    • aller voir par soi-même sur le terrain,
    • poser la question « pourquoi ? » de manière répétée,
    • demander aux équipes opérationnelles de proposer et tester leurs idées pour explorer la situation dans le détail et en profondeur.

    Bref, se méfier comme de la peste des généralités auxquelles on se cantonne si facilement. Dans le lean, on « sait » lorsqu’on a eu plusieurs fois l’occasion de se tromper et que, ayant testé une idée dans plusieurs circonstances différentes, on commence à en connaître les limites et les déclinaisons. Avoir cet objectif en tête éclaire le recours au kaizen, l’amélioration à petits pas : pour clarifier une idée, mieux vaut se tromper plusieurs fois sur des petits projets locaux, plutôt que parier à l’emporte-pièce l’ensemble de l’entreprise.

    Avoir les idées claires sur la trajectoire produit et sur l’organisation est un aspect essentiel du leadership. L’Histoire en général, et le XXe siècle en particulier, montrent que le charisme et la force de la conviction peuvent mener des sociétés entières dans les erreurs les plus catastrophiques et parfois les plus tragiques. Toute démarche de leadership peut donc se caractériser comme deux méthodes : celle qui permet de sélectionner ces « idées claires » et celle qui permet de convaincre légitimement les autres. Dans le lean, ces méthodes sont la recherche analytique et collective des raisons qui nous font privilégier une conception plutôt qu’une autre. En ce sens, et comme le soulignaient S. Spear et H.-K. Bowen dès 1999, le lean est une application de la pensée scientifique à l’entreprise : on ne se contente pas d’avoir une opinion, il faut savoir. Or savoir provient d’une expérimentation empirique plutôt que de raisonnement conceptuels : le sens est donné par la pratique plus que par des raisonnements géniaux.

    Passer individuellement au lean commence donc par l’examen de nos propres convictions à la lueur de la pratique – sans cesse et sans complaisance. Ce n’est pas un exercice facile. Notre esprit est ainsi fait qu’il cherche à se conforter dans ses idées reçues, plutôt que de les confronter à une réalité souvent disparate, ambiguë et changeante. Il n'est jamais facile de "penser contre soi-même", comme disait Péguy. Pourtant, c’est bien là le point de départ d’un chemin qui mène à des résultats spectaculaires sur le marché et de bien meilleures relations de travail avec collaborateurs et partenaires. Des opinions justes permettent de gagner de l’argent et de créer de l’emploi… Alors que les opinions fausses coûtent cher !

    Nota Bene : Comment Ohno est-il parvenu à cette méthode pour examiner ses propres convictions ?
    En appliquant les résultats issus des efforts de deux statisticiens industriels américains, Walter Shewhart et J. Edwards Deming, pour appliquer le raisonnement scientifique aux affaires. Ce sont les pères du cycle PDCA (« Plan, Do, Check, Act ») qui deviendra le fondement des approches d’amélioration continue (kaizen) développées plus particulièrement au Japon dans les années 1960. Leur idée était d’évaluer l’exécution des plans au regard des intentions qui les guidaient, pour en tirer les bonnes conclusions sur les hypothèses de causalité sous-jacentes. Shewhart et Deming étaient tous deux très conscients que les données n’ont de sens que dans leur contexte et ont élaboré ce cycle dans le but d’encourager les managers à évaluer systématiquement leurs hypothèses (souvent implicites) pour améliorer continuellement leur compréhension de la situation réelle – plutôt que de plaquer des schémas de pensée touts faits à tous les cas de figure, sans égards aux spécificités locales. 80 ans après leurs découvertes, il est toujours aussi tentant de céder à notre « intime conviction » pour éviter d’avoir à nous remettre en cause. (Revenir au texte)

    (23 juillet 2010)


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    Page mise à jour le 2011-05-31 parMain.ThomasHouy
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